…C’est
le "moment" géométrique que Pierre Legendre refuse,
celui où s’est installé l’art concret. Il y voit, à
juste titre, une aliénation de la droite, la perte de sa
substance, de son expressivité ; car en devenant
surface, la ligne droite, comme le dit Hegel, « sort
d’elle-même » et entre dans un monde qui n’est pas le
sien, le monde empirique . De fait, elle n’existe pas
dans la nature ; sa réalité est ailleurs, dans l’acte
même de la pensée qui s’élance. Pierre Legendre est
fasciné par cette immatérialité de la droite. A ses
yeux, et précisément en raison de cette qualité, la
droite concentre en elle toutes les puissances de
l’esprit. Elle est le pont que celui-ci jette entre deux
étoiles ou, dans un langage plus prosaïque, la trace
idéale d’un point en mouvement, le premier bond du
statique au dynamique. Là se trouve, semble-t-il, le
fondement du choix exclusif de la droite par l’artiste,
mais aussi du privilège qu’il accorde à la verticale
dans ses tableaux, comme si, pour lui, la droite ne
parvenait à actualiser pleinement son essence et sa
valeur symbolique que nue, individualisée et dressée
vers le ciel. … Fernand Fournier, septembre 2005 |