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C’est ainsi que pourra s’éclairer un type de travail
jamais abandonné par l’artiste parce qu’il s’ancre
profondément dans sa sensibilité. Il consiste à
pratiquer dans la feuille de papier, et cela dans un
esprit géométrique ou non, des perforations que nous
sommes amenés à qualifier de « paradoxales ». Ce ne
sont, avoue Shinjo, que des « prières » pour que, dans
l’épaisseur de la feuille, s’ouvre un passage vers un
monde où le désir ne rencontrerait plus d’obstacle.
Obtenues au moyen d’épingles, de clous ou de crayons
pastel, ces perforations ont en commun l’incomplétude.
Elles ne sont jamais violentes, jamais franches,
contrairement à celles qui labourent les toiles de
Fontana. Chez Shinjo, le mouvement de la main est retenu
in extremis par je ne sais quelle timidité qui semble
craindre l’irréparable ; on a l’impression, certainement
recherchée par l’artiste, que le geste s’est immobilisé
dans un entre-deux. L’idéal poursuivi,
quoiqu’inaccessible, serait de rester en deçà tout en
étant au-delà de la mince feuille de papier, véritable
frontière séparant deux espaces qualitativement
différents. De là ces alignements de cloques minuscules,
parfois fissurées, de là, ailleurs, ces trous qu’une
matière blessée, mais non vaincue, encombre de ses
barbes…. Fernand Fournier, septembre 2008 |