tableau Vittorio bellini
Vittorio Bellini


…L'expressionnisme de Bellini est tout autre. Il est vrai qu'il est contemporain de désastres dont ses prédécesseurs n'avaient pas idée. L'acte de peindre ne peut plus viser une essence puisque celle-ci est devenue problématique. L'artiste doit en tirer la conséquence et assumer la détresse ontologique de la subjectivité en la portant sur la toile avec le risque de sombrer lui-même dans le chaos. Bellini a fait ce choix. Dans chaque tableau, les visages et les corps, pour exister, livrent un combat contre un élément informel qui les presse de toutes parts et tend à investir l'espace tout entier. L'abstraction est ici menace d'un retour à la barbarie, de désordre et de mort. Métaphore du néant, elle n'est pas comme chez Kandinsky le chant de l'âme qui se prend pour un orgue ; elle est ce qui fait obstacle à une naissance où à une renaissance. Elle contraint l'œil à une plongée dans l'inorganique et la subjectivité y devine avec effroi sa propre dissolution. L'anxiété spirituelle qui en résulte est redoublée par le traitement particulier de la matière picturale. Celle-ci est alourdie, chargée de magnétisme par la pratique des empâtements. On sent la nervosité du geste. Le monde de tumulte extérieur et intérieur que le peintre veut traduire ne peut s'accommoder d'une frugalité ascétique. Un fond inerte en aplats ferait retomber la tension et l'angoisse. Un tel projet demande aussi que soient produites sur la toile des coagulations, des coulées de couleurs, des mélanges instables et des transparences. C'est pourquoi Bellini éprouve peu d'attirance pour l'acrylique. L'huile lui convient mieux, elle a une vie propre, des effets imprévisibles, tandis qu'on sait d'avance comment la peinture acrylique se comportera. Le privilège qu'il accorde aux couleurs fondamentales participe de la même intention. Il s'agit de contribuer, par la juxtaposition brutale de leurs tons dominants, à élever l'une et l'autre à une intensité dramatique d'une violence à peine supportable. Parfois fondus dans des violets sombres et saturés, parfois rompus avec le noir, le bleu et le rouge libèrent leurs humeurs vénéneuses. Tout se passe comme si la matière picturale en mobilisant toutes ses ressources s'employait à rendre incertaine la figure humaine.…

Fernand FOURNIER, Le 9 Mars 1994


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