[…]C’est
justement dans ce monde peuplé de fétiches que Munari a
introduit ses strutture continue, que nous
convoquons encore une fois ici, tant elles nous
paraissent emblématiques de la démarche de l’artiste. Ce
sont des objets insolites, d’un nouveau type, qui
semblent possédés par l’esprit de négation. D’abord, nul
mystère ne les enveloppe. Rien d’opaque. Parfaitement
cartésiens, ils se laissent décomposer en éléments
simples dont le processus de fabrication n’implique
aucun secret. Ensuite, leur conception est telle que la
forme, qui habituellement scelle l’identité d’un objet
et lui donne sa puissance d’envoûtement, reste ici
purement potentielle, indéterminée. Le nombre d’éléments
en effet peut-être illimité, de sorte qu’il serait
possible, selon Munari, de considérer l’ensemble des
modules faisant partie d’une struttura continua,
« come un particolare di un infinito modulato ». Enfin
la construction modulaire de ces objets presque virtuels
pousse aux manipulations les plus extravagantes qui
dépendront toujours de l’intérêt, du goût, de l’humour
mais surtout de la volonté de celui qui en dispose.
L’homme cesse d’être dans ce cas un appendice de
l’objet. Œuvres ouvertes, aléatoires, les strutture
continue appellent le regard d’esprits libres et
rationnels qui ont désappris de se prosterner devant des
idoles. Si de tels esprits n’existent pas encore, du
moins l’ironie qui habite ces œuvres invite-t-elle dès à
présent à cultiver des pensées assassines. […] Fernand Fournier, 2003 |