..La démarche créatrice de Kolar est un refus du désespoir. Elle consiste à organiser la subversion et à la porter sur le terrain même occupé par les objets et les oeuvres que la réification a condamné au silence ; car, si la poésie verbale, dont la mission est d'être à l'écoute du monde réel, est frappée d'impuissance, c'est essentiellement parce que les objets et les œuvres qui y circulent sous la forme de marchandises ne parlent plus à l'homme. Il faut donc, pour que renaisse la poésie, les tirer de leur engourdissement, les soumettre, au besoin par la violence à des manipulations diverses afin de provoquer l'accident qui ébranle le système de la banalité quotidienne. Il s'agit, dit Kolar, "de regarder sous la jupe des choses". Le viol des apparences est un acte salutaire ; il brise l'écorce de la réification. C'était déjà le sens de la leçon qu'il reçut d'un ami qui, lui rendant la copie d'un manuscrit de poésie, avait estimé nécessaire pour que s'accomplissent les promesses du texte, d'en lacérer les pages avec un rasoir. Cet ami avait raison : enfermé dans un objet matériel (le livre) répondant aux normes du marché, les poèmes restaient lettre morte ; seule une intervention directe et brutale sur le support pouvait obliger ce dernier, en y injectant une intention, à montrer ce qu'il avait confisqué en tant que valeur d'échange…. Fernand Fournier Mars 1996 |